mardi 7 mars 2017

Over- Empathic

J'ai grandi dans un milieu où les émotions prenaient toujours beaucoup de place. Il était valorisé de parler de ses émotions de les explorer, de les laisser prendre le dessus, de les respecter, d'accepter le fait qu'elles fassent partie de la vie.
Et que chaque émotion négative se devait d'être exprimée sur le champ, sinon, elle risquait de s'encrer dans notre âme, de s'amplifier, de créer des dommages collatéraux. Tristesse, colère, ressentiment, déception, amertume: toutes émotions avait sa raison d'être et était célébrée.

L'auto-critique, chez moi, était enseignée. Je me devais de reconnaître mes faux pas, mes erreurs et mes débordements. Mais à l'inverse, celle-ci était très peu pratiquée par mes parents et beaux-parents ( divorcés très tôt, nos parents s'étaient empressés de refaire leur vie nous avaient équipés de parents de remplacement). Hors de question pour chacun d'eux de se remettre en question, de s'excuser, d'oser montrer leur vulnérabilité quand ils avaient tords. Il étaient plutôt doués pour se victimiser, non pour se responsabiliser

En résumé, j'ai grandit dans un monde où les émotions n'étaient pas contenues. Aucune réserve quant à la démonstration celles-ci.

Parents divorcés.

D'un côté, la tristesse.
De l'autre, la colère.

Deux émotions diamétralement opposées.
Une, qui attire vers le bas.
L'autre, puissant catalyseur qui pousse vers l'avant.

La tristesse, paralysante.
La colère, qui donne la force de défoncer toutes les portes.

Je suis battie sur un mode ou l'empathie et la compassion fait partie de chaque cellule de mon ADN. On m'a appris à être sensible à la souffrance des autres. A encourager la discussion, a être là pour faire une différence, dans le désespoir que les gens peuvent ressentir. J'ai d'ailleurs battit ma vie professionnelle sur ce modèle.

Je suis thérapeute, toujours prête à accueillir autrui dans leur souffrance.

J'ai aussi développé mon cercle social en ce sens. Je me sens près des gens que j'aime lorsqu'on se parle coeur à cœur. C'est ainsi q'on m'a appris à être. À communiquer. Sans censure, le plus honnêtement possible.

Ce sens de l'empathie, à l'adolescence et au début de l'âge adulte, je le voyais comme une richesse dont peu de personnes étaient nanties. Je me trouvais chanceuse, j'étais reconnaissante envers ma mère de m'avoir transmis sa capacité à ressentir ce que les autres expérimentait comme détresse.

J'avais l'impression de toucher la vraie essence humaine.

Toute mon identité était bâtie sur ma sensibilité, mon empathie, mon écoute. D'ailleurs, ce trait de caractère était régulièrement louangé. Ma psy, mes professeurs, mon entraîneur sportif, mes amies, mes tantes et oncles, les hommes qui me courtisaient- tout le monde s'accordait pour dire que j'avais quelque chose de spécial. Ma sensibilité faisait de moi quelqu'un à qui on avait envie de se confier, d'échanger. On avait envie de venir s'abreuver à moi pour retrouver confiance ou pour apaiser ses souffrances.

Non seulement j'étais dotée d'une sensibilité hors du commun mais en plus, j'aimais philosopher et développer de nouvelles perspectives pour surmonter les embûches.

J'aimais solutionner.
Apaiser les souffrances en amenant la lumière.

Aujourd'hui, j'arrive près de la trentaine. Dans mon cercle immédiat, ces traits de personnalité sont de moins en moins valorisés.

On a plus le temps pour l'empathie.
On a plus le temps pour '' les émotions négatives '' qui minent l'existence.
Les gens ont de jeunes enfants. Le travail. Une maison à entretenir. Des dettes à payer. Des voyages à organiser. Leur propre famille à bâtir. Leur propre mal à engourdir pour entrer dans la case qu'ils ont toujours convoité.

Aujourd'hui, la sensibilité n'est plus valorisée. Dans mon monde, elle est perçue comme de la faiblesse. Une tare à enrayer.  Du négativisme. Quelque chose de moins beau que Pinterest ou les show télé de Véronique Cloutier.

Rarement, on me demande comment je vais.

Rarement, on me répond autres choses que '' ça va bien!!! '' quand je prends des nouvelles.

Rarement, on me demande ma vision des choses, comme jadis. Lorsque c'était un cadeau de pouvoir s'ouvrir à moi.

On est ennuyés lorsque j'éprouve des émotions dont j'ai envie de parler. Comme si aujourd'hui, ça n'avait plus raison d'être. Qu'en devenant adulte, on devait adopter un positivisme hors paire qui frôle la bêtise. Avancer, tant que c'est les yeux fermés. Avancer agressivement vers l'illusion du bonheur ultime.

Je me suis mise à détester mon monde émotionnel car il compliquait mes relations. Il m’amenait à me sentir étrangère aux personnes qui m'avaient toujours entourées- des amitiés vieilles d'une dizaine d'années.

Car elles n'avaient plus le temps pour ça. Plus de disponibilité psychique.

Quelques uns verraient cela comme une richesse. Une intériorité fleurissante. Une intensité.

D'autres, comme un négativisme suffocant duquel il faut s'éloigner,

Moi, aujourd'hui, j'ai décidé de me réapproprier ce monde émotionnel. De ne plus en avoir honte, de ne plus en être alourdie.  De ne plus être gênée par mon hypersensibilité. Par mon hyper conscience.

Même si ça me rend moins adulte.

L’essence de ma vie est construite sur ce schéma. Qui suis-je, sans ce monde émotif?

Personne, vide, lassée, sans intérêt pour les autres ou moi moi-même.

1 commentaire:

Havre1961 a dit…

Si à tes lèvres,
Je prêtais mon oreille.

Si à mon oreille,
Tu prêtais tes lèvres.

Crois-tu qu'à nous deux,
nous pourrions donner un sens à ce grand casse-tête ?

L'invitation est lancée...
Une fois de plus.

xox